Marie-Paule Lingelser - ma palette d'artiste

Longtemps ils ont marché,

Les pieds nus, le dos voûté,

Traînant avec eux de si lourds bagages...

Le front baissé,

La faim au ventre,

La bouche sèche, l'oeil vide et sec !

-

Ils portaient de sombres vêtures,

Ternes et tristes,

Laissant voir  blessures et  plaies béantes

Dans les tréfonds intérieurs,

Abîmes de souffrance...

-

Je les ai vu passer,

J'étais là.

Cette odeur de misère,

Noire,

Je la reconnaissais...

-

Tandis qu'en chacun,

Quelque chose d'intime

Se révélait et me tenait langage,

Quelque chose de familier aussi,

Dans la douleur, me rongeait l'intérieur,

Jusqu'à l'os !

-

Ils étaient toujours là,

Je les avais cru perdus, morts, oubliés !

Ils étaient encore là,

Mes traîne-misères,

Tous là !

-

Et, dans la douleur et l'effroi,

Me revenaient leur voix ...

-

Ah, Sombres réveils, fausses rêveries !

Je les entends !

Ils reviennent, frappent à ma porte !

Impatients, Ils réclament !

Ils ont faim, Ils ont soif, Ils sont fatigués, usés !

-

Ils hurlent en moi-même,

Ils se rappellent à mon souvenir...

Combien sont ils déjà ? 

Cent ? Mille ? ou davantage encore ?

Je ne sais plus,

Face à moi, le miroir s'est brisé.

-

Et voilà que je l'entends, qui m'appelle,

D'abord doucement, comme un murmure,

Cette voix qui maintenant martèle, et raille :

"Ils sont là. Vois !  Entends !

C'est le temps du face à face !

Tu ne peux plus fuir, et les abandonner encore !"

-

C'est alors que dans un dernier sursaut,

En mon sanctuaire intérieur j'ai pu trouver refuge,

Ainsi, enfin, dans le silence sacré,

J'ai retrouvé...

 mon bagage d'éternité.